Je viens enfin de rendre la dernière correction d’un roman qui m’a donné l’impression de durer une vie entière. Souffler. Quelques jours seulement parce que je reprends de plus belle avec un gros dossier. Je n’ai pas encore le fin mot de l’histoire, mais il s’agit d’un manuscrit incomplet, pour lequel la maison d’édition a l’air de vouloir miser beaucoup. Je n’ai pas tous les tenants et aboutissants, et pour aujourd’hui, je m’en fous. J’ai juste envie de ne rien faire. Enfin c’est sans compter mon réveil interne qui me fait ouvrir les yeux avant 7h du matin. Non. Pas une heure décente pour un jour off. Heureusement, j’arrive à replonger dans les bras de Morphée, jusqu’à l’arrivée d’une petite fée. « Hello sunshine… » Je peine à me connecter à la réalité. Tegan, évidemment, qui d’autre. Nous vivons ensemble. « Bien dormi ? J’espère que t’avais rien prévu aujourd’hui, parce que ceci est un kidnapping. »[/color] Je m’étire un peu dans mon lit avant de me souvenir que j’ai dégagé le t-shirt qui me servait de pyjama au beau milieu de la nuit, après un cauchemar qui m’a réveillée en sueur. « Kidnapping ? » demandé-je d’une voix un peu rocailleuse tout en plaquant le drap contre ma poitrine.
Elle dépose un plateau sur la table de nuit avant de se pencher au-dessus de moi déposant quelques baiser sur mon visage, et faisant s’accélérer mon palpitant. Non non non, ne pas penser que je suis presque nue, qu’elle est en train de parsemer ma peau de ses baisers… Non. « Un p’tit déj au lit, ça te dit ? » « J’ai faim. » lui dis-je dans un petit sourire. « Disclaimer : ma technique de dessin dans la mousse de lait n’est toujours pas au point. J’ai voulu faire des coeurs, mais ils ressemblent à des moutons unijambistes. Te moque pas, ils sont sensibles. » J’éclate de rire le plus naturellement du monde. Je ne connais personne qui fasse des métaphores aussi nulles que drôles. Je sais que je suis bon public de nature, mais elle est vraiment drôle, alors je ne vois pas comment je pourrai ne pas être son meilleur public. J’ouvre les yeux et me tourne juste assez pour lui faire vraiment face, alors qu’elle ne bouge pas, bloquant mon corps sur le matelas. « Tu vas rester là ? Je pense que je vais avoir du mal à manger… » Je lui souris, même si avec la faible lumière je suis pas sûre qu’elle le voit vraiment.
Je la laisse se redresser et j’en fais de même, gardant le drap bien plaqué sur ma poitrine, ne laissant que mes bras et mes épaules nues dépasser. « Alors, c’est quoi le programme du kidnapping ? Même si j’ai bien compris que je n’aurai pas mon mot à dire. » Je me penche pour plaquer à mon tour un baiser sur sa joue. Il n’est pas difficile de voir que ce réveil m’enchante, et l’idée qu’elle m’ait réservé sa journée tout autant.

« Tu crois quand même pas que je vais te dévoiler tous mes secrets comme ça ? L’information, ça se paie, madame. » J’ai tenté. Je me doutais bien qu’elle ne lâcherait pas le morceau. Elle se lève finalement et mes yeux se plissent lorsqu’elle ouvre en grand les rideaux. Outch. Je mets quelques secondes à m’habituer à la lumière, et je peux enfin profiter du joli ciel bleu, et voir ce qu’elle m’a préparé. C’est adorable, je ne vois pas ce que je pourrais rêver mieux que ça. Tegan avoue avoir faim elle aussi, et j’ai un peu l’eau à la bouche face au plateau gourmand qui m’attend, et que je vais partager avec elle. « Tiens, j’ai une idée. » Je m’attends au pire. Elle s’affaire à dessiner un visage - mon visage - sur un pancake, et à chaque fois qu’elle rajoute quelque chose, je me marre. Le plus difficile, c’est d’ignorer les chatouilles que chacun de ses mots me provoque, juste là dans le bas du ventre. Arrête tes conneries, Ruiz. « Et ma partie préférée : un joli sourire, qui me fait craquer à chaque fois. » Il faut qu’elle arrête. Je rougis, bien contente qu’elle soit concentrée à dessiner ce sourire au sirop d’érable pour ne pas trop s’en rendre compte. Elle n’aurait rien eu pour ‘dessiner’ le rose de mes joues de toute façon.
Catastrophe, le pancake ne ressemble plus à rien, et moi je ris de plus en plus, faisant attention à bien garder le drap contre moi, surtout que je me suis redressée entre temps. Il faudrait peut-être que je remette mon t-shirt, non ? « Au moins, on est sûres qu’il sera bien sucré… Heureusement que j’ai prévu de quoi perdre des calories, après. » Je relève la tête en même temps qu’elle à ses mots, croisant son regard un instant. Putain pourquoi je pense à ce qu’il ne faudrait pas que je pense. Je déglutis un peu, et récupère le pancake de ses mains, dégoulinant légèrement sur mes doigts. « Hum ? Qu’est-ce que tu vas me faire faire ? » Enlever cette putain d’idée de ma tête. C’est ridicule ! J’engloutis le pancake et suçotte mes doigts pour récupérer ce qui avait coulé. « Honey, tu veux bien me filer mon t-shirt qui est juste derrière toi s’il te plait ? » Je récupère la pièce de tissus et m’empresse de l’enfiler, ne faisant pas attention si le drap est tombé plus vite que le t-shirt a couvert ma peau. De toute façon elle ne regardait pas. Si ? Stop.
Je récupère le verre de jus d’orange et en descends la moitié, en gémissant un peu à cause du goût sucré des oranges fraîches. Un bonheur. « Bon, maintenant je vais avoir le droit de savoir le programme ou toujours pas ? » Je fais récupère quelques fraises que j’engloutis avec plaisir, et me rends compte que j’en avais oublié la politesse. « Et merci déjà, pour ça. » Je désigne le plateau. Être réveillée par un petit déjeuner de reine comme ça, qui ne se sentirait pas privilégié ? Je me penche pour lui faire un bisou sur la joue, et à son sourire, j’attrape même son visage entre mes mains, et lui plaque plein de baisers partout sur le visage, en évitant seulement ses lèvres - même si ce n’est pas l’envie qui manque.

C’est moi qui vient de me lever, mais c’est elle qui semble encore endormie. Ou dans la lune. Enfin toujours est-il qu’elle n’a pas l’air très concentrée, et elle répond à mes questions avec trois heures de retard. « … Quoi ? Oh, hum. En vrai, j’ai plusieurs idées en tête, ça va dépendre de tes… envies. » Mes envies ? De quoi parle-t-elle ? Et pourquoi sa voix est si… sensuelle, d’un seul coup ? Est-ce que c’est moi qui divague ? Je lui demande mon t-shirt pour être un peu plus à l’aise, et m’empresse de l’enfiler quand elle me l’a donné, sans faire attention qu’elle ait pu voir un peu plus que ce qu’elle aurait dû. Après ça je m’empare du petit déjeuner avec une envie et une gourmandise non dissimulée. L’air de rien, je tente toujours d’en savoir un peu plus, ne serait-ce que pour savoir à quoi m’attendre. « Ça dépend, tu veux savoir quoi. Le où ? Le comment ? Le quand ? Ou le dress code, ce serait pas mal.  » Je penche la tête sur le côté et lui souris. Oui, tout, ou au moins un détail ? Un indice ? Mais elle ne lâche rien pour le moment, et je remarque que j’ai déjà oublié de lui dire merci pour le réveil. Alors je me laisse aller à la dévorer de petits baisers, qui à la base se voulaient chastes. « Marley… » lâche-t-elle dans un souffle, presque une supplication. Elle me fait face et je n’ai pas lâché son visage qui trône encore entre mes mains. Mon coeur me déchire la poitrine à tambouriner si fort. Je ne contrôle pas mon regard qui dévie une fraction de seconde sur sa bouche, alors que nous ne sommes qu’à quelques centimètres à peine l’une de l’autre. Je peux sentir son souffle buter sur mes lèvres, et l’odeur sucrée de fraises et de cappuccino. « C’est une torture de te résister, t’imagines même pas… » Mon cerveau n’est plus actif, je ne réagis pas, pourtant j’aimerai lui dire qu’elle n’a pas besoin de résister. Est-ce que je lui ai demandé de ne jamais recommencer ce que nous avons partagé ? Est-ce que je me le suis seulement autorisé, moi, dans un coin de ma tête ? Je ne sais plus ce qu’il se passe, ce qui m’anime, je suis incapable de dire ou faire quoi que ce soit. Elle s’approche, je la laisse faire et ferme même les yeux, n’attendant plus qu’une chose : qu’elle m’embrasse. Le désir me tiraille, et je sens la morsure de ses dents sur ma lèvre inférieure. Je retiens mon souffle, ma lèvre prisonnière, et voilà qu’elle m’échappe. Quoi ? Une brise glaciale s’empare de moi, réajustant instantanément ma température corporelle. « J’te laisse te préparer… Et pas besoin de trop t’habiller, t’auras juste besoin de ton maillot de bain là où on va. Je t’attends en bas » Le regard dans le vague, je n’ai toujours pas repris ma respiration. J’entends le battant de la porte qui se referme sur l’encadrement en bois, et je parviens enfin à reprendre mon souffle. La panique, mêlée à cet ascension de désir ardent me met les nerfs en pelote. Pourquoi je n’ai pas réagi ? Par peur, de toute évidence. Mais peur de quoi ? Aaaargh Marley bon sang ! Enveloppée d’une dose de courage que je ne me connaissais pas, je me lève en trombe, renversant le reste de mon jus d’orange sur le plateau, et sors de ma chambre comme une tornade. Elle n’a pas eu le temps d’aller bien loin, et en m’entendant, elle se retourne, au milieu de l’escalier. Les pupilles dilatées, le souffle court, je réduis la distance qui me sépare d’elle et là, au milieu de l’escalier, je me saisis à nouveau de son visage et cette fois je l’embrasse à pleine bouche, comme si mes jours étaient comptés. Je ne sais pas ce qui me prend, ni à quel moment je vais le regretter, mais mon cerveau n’est plus en activité à ce moment précis, il n’y a que mon corps, son corps, et cette électricité prête à tout faire péter.

Je ne sais pas vraiment ce qui m’arrive, ni pourquoi je suis prise d’une pulsion sommaire de ce genre. Ça ne me ressemble pas, et pourtant je m’élance à la poursuite de Tegan et fonds déjà sur ses lèvres. Ses lèvres dont j’avais oublié la saveur, depuis le temps. Mon coeur implose, mon corps frémit, grimpe de dix degrés en un temps record. Nos langues se cherchent, se retrouvent, nos corps se pressent l’un contre l’autre et je sens déjà mon désir pour elle monter en flèche. Je ne comprendrai jamais comment elle arrive à me mettre dans ces états. Sentir sa peau à même la mienne, la douce caresse de ses doigts, je chavire. « C’est ta façon de me dire que toi non plus, tu sais pas me résister ? » Je me mords la lèvre, là où elle peu plus tôt c’est elle qui avait planté ses dents. « C’est toi qui a commencé. » Je n’avais pas du tout que cette journée commence de cette façon, j’avais repoussé au maximum mon attirance pour elle, mais il arrive un moment où les barrière du cerveau ne suffisent plus. « Je nous avais prévu tout un programme pour aujourd’hui, mais… on peut aussi rester ici, et trouver de quoi s’occuper, si tu préfères. » Mon regard alterne entre ses yeux, pendant que je me pince les lèvres dans un petit sourire. « Je ne voulais pas bousculer tes plans… » Et en même temps, je doute qu’elle irait s’en plaindre. Les baisers qu’elle dépose déjà sur ma peau me font fondre. Les yeux clos, je la laisse faire, penchant même ma tête pour lui laisser davantage de place, m’offrant à elle sans contrepartie. Sa langue entre dans le jeu, je frissonne, le souffle court, mais notre équilibre nous joue encore des tours et je laisse échapper un rire amusé. « Je vais aller prendre une douche… froide… et on ira où tu avais prévu qu’on aille. » Après tout, même si on décide de suivre une partie de son programme initial, ça ne nous empêche pas de profiter de plusieurs manière. Mais je sais que si je lâche prise maintenant, tout va s’emballer, et probablement qu’une petite partie de moi tient encore le coup, par peur sans doute de souffrir encore. Je ne la blâme pas, j’en ai envie aussi, mais j’ai peur. La première fois, j’étais sous l’emprise de l’herbe qu’on avait fumée, et cette fois, je suis en pleine possession de mes moyens. Est-ce que ce serait pareil ? Moins bien ? Mon cerveau est reparti dans tous les sens… Je dépose un baiser au coin de ses lèvres, un peu plus appuyé, et choisis de me détacher d’elle pour remonter à l’étage. « Un maillot de bain et c’est tout ? » que je lui demande en me retournant pour lui adresser un sourire derrière mon épaule. Je ne vais faire aucun commentaire sur son regard que je surprends un peu plus bas sur ma silhouette, avant qu’elle ne relève les yeux vers les miens. Il y a longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien dans le regard de quelqu’un.

Ses lèvres viennent retrouver mon cou, refaisant monter immédiatement ma température corporelle, et accélérer mon souffle de manière considérable. Mais je choisis de rompre l’instant en allant prendre une douche, tout en sachant qu’au vue de l’énergie qui plane, il n’est pas exclu que ce genre de moment revienne pointer le bout de son nez durant la journée. Et cette simple idée me met déjà dans tous mes états. J’ignore pourquoi, mais j’ai envie de faire durer le moment. Ne pas simplement m’offrir à elle comme je l’ai fait la première fois. J’ai envie de laisser planer cette alchimie, qu’on puisse en profiter, sans pour autant me laisser trop de temps pour revenir sur ma décision. Oui, parce qu’on sait jamais avec moi…« Ouais, c’est ça… Bien froide, la douche ! » Je ris un peu et lui adresse un sourire équivoque par dessus mon épaule, sentant bien son regard gourmand sur ma peau. Très vite elle me rejoint et je ne fuis pas « Enfin… ça dépend, si t’as pitié de moi ou pas ? Y’a un peu de route, faudrait pas que je nous envoie dans le décor parce que j’ai été… distraite. » Nouveau rire joueur, pendant que je frémis de sentir à nouveau ses mains sur moi. Elle s’empare à pleine main d’une de mes fesses et je plante mes dents sur ma lèvre inférieure en fermant les yeux, pour réprimer le tsunami de désir qui m’assaille. Non, pas encore. « Bon ! On arrête les conneries. Je t’attends en bas, avec Meeks. » Son éloignement me fait déjà l’effet d’une douche froide, mais c’est pour mieux ressentir sa chaleur un peu plus tard. Je souffle pour essayer de reprendre un rythme cardiaque normal, et cours presque dans la douche. Même le froid de cette dernière ne parvient pas à me calmer, mais il va bien falloir. Je suis trop curieuse de découvrir ce qu’elle a prévu.

Emmitouflée dans ma serviette, je prie pour ne pas croiser Tegan dans le couloir, ce serait prendre un risque. Me faufilant dans ma chambre, j’enfile comme promis mon maillot de bain, et enfourne dans mon sac un ensemble de sous-vêtements pour me changer. Par dessus le maillot, je choisis une robe fleurie légère et facile à retirer - stop, arrêter de penser à la manière de la retirer - et une paire de sandales de saison. Mon chapeau, et je suis fin prête. Je rejoins Tegan dans le salon alors qu’elle termine de préparer son sac. « Prête ? J’ai pris de quoi tenir pour la journée, et même un peu de rab’ au cas où. Mais ça devrait aller. » Un large sourire étire mes lèvres. « Ce sera parfait. » Je n’en ai aucun doute. Joueuse, je m’approche d’elle pour prendre le paquet de bonbons qu’elle avait entre les dents, et déposer un baiser au coin de sa bouche. Je m’éloigne sans tarder pour qu’elle n’ait pas la possibilité de me coincer entre elle et le mur - bien que cette idée ne soit pas désagréable du tout. En trottinant, guillerette, j’entraîne Meeko avec moi et nous quittons la maison sans tarder. Je me sens légère comme une plume aujourd’hui, et cette sensation de n’avoir Tegan que pour moi toute la journée me met en joie. « Je peux conduire si tu veux, je regarderai pas la destination du gps. » J’adore conduire, et je sais que ce n’est pas l’activité favorite de ma colocataire alors si je peux lui retirer ça, c’est avec plaisir. Et puis, ça reste ma voiture.

« Mh… Okay. Et moi, j’ai le droit de te distraire, du coup ? » Je tourne la tête sur le côté pour la regarder du coin de l’oeil. « Si tu veux rester en vie, il vaut mieux pour toi que tu n’essaies pas. » J’aime conduire, mais j’ai déjà du mal avec le GPS, alors si en plus elle se met à vouloir me distraire, on est pas rendues à destination. « De toute façon, même en regardant, je suis presque sûre que tu sauras pas où on va. Enfin, pas exactement. » Je ne suis pas sure que ce soit très rassurant, mais en même temps, je lui fais confiance, aveuglément. Nous prenons donc la route sur cette destination qui m’est inconnue. Effectivement je ne connais pas bien ce coin là, mais le paysage est de plus en plus beau il faut bien l’admettre. L’ambiance est agréable, légère. J’apprécie cette légèreté que nous n’avons pas vraiment eu depuis mon retour, ça m’avait manqué. Il y a pourtant cette électricité tangible entre nous, qui menace de péter à tout moment. Mais pas maintenant, parce que je conduis, et que ce n’est pas raisonnable.

Nous arrivons à destination, et je me délecte de ce que je peux voir. Un chalet de bord de lac, paysage de carte postale. Le soleil est au rendez-vous, tout est absolument parfait. « Alors, t’en penses quoi ? » « C’est magnifique ! Comment tu connais cet endroit ? » Elle m’explique qu’il appartient à une amie à elle - tout comme - et qu’elle a le droit de venir ici pour profiter de l’endroit. Enfin, elle précise que l’habitation ne fait pas partie du deal, même si elle pense pouvoir trouver les clés quelque part. « On n’est pas venues ici pour commettre un délit, n’est-ce pas ? » La gentille petite fille a parlé. Mais il est vrai que ça aurait été un gros plus que de pouvoir accéder à la maison, rien que par curiosité, voir à quoi ça ressemble à l’intérieur. « Tu veux faire un tour ? Ça fait une éternité que j’en ai pas fait, mais… ça doit être comme le vélo, hein. Y’a des coins sympas à voir, tu verras. » « Je sais pas si je dois faire confiance à ce dicton. » Je me moque gentiment d’elle. Après tout, faire avancer une barque, c’est donné à tout le monde, ce n’est vraiment pas difficile, et le lac n’est pas si grand, il se traverse à la nage sans problème. « L’important c’est qu’elle ne prenne pas l’eau. Pour le reste, je te suis. Où tu iras j’irai ! » Je ris un peu, gaiement, et prends place dans la barque en prenant soin de ne pas la faire chavirer. Je n’ai rien à craindre, je sais nager, et je n’ai rien sur moi qui ait peur de l’eau - puisque comme d’habitude j’ai laissé mon téléphone à la maison.

Tegan prend place, Meeko nous fait presque prendre l’eau et je ris de plus belle, tentant de stabiliser la bête entre mes jambes, alors que ce petit chenapan n’a qu’une envie, aller se baigner. Ma jeune et jolie colocataire retrouve vite ses aises avec les rames, et je me laisse guider en prenant soin d’imprégner ma rétine de ce magnifique paysage. Il nous faut un bon quart d’heure pour traverser le lac et nous retrouver sur une plage superbe. Une fois près du bord, je lâche la furie, et il saute en jappant pour aller prendre - enfin - l’eau. Ma voiture va sentir le chien mouillé, mais ce ne sera pas une première. « Merci pour la balade, gondolier. »[/color] Je lui adresse un sourire et un clin d’oeil malicieux, avant de sauter de la barque telle une gazelle. L’eau est bonne, et ça rafraichit. « Je suis curieuse de connaître l’histoire de cet endroit. Ou en tout cas, ce que tu y a déjà vécu. » Si elle m’emmène ici, c’est qu’elle connaît les lieux, et je ne peux pas retenir ma curiosité. Pendant l’attente de son récit, je dépose mes affaires sur le sable, étends ma serviette et commence à retirer ma robe.

Je m’amuse d’entendre Tegan me dire que commettre un délit, ce n’est pas son genre. Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses que je ne connais pas à son propos, et je ne serai pas si surprise d’apprendre qu’elle a déjà volé un paquet de chewing-gum, ou entrée en effraction dans la piscine de son lycée un dimanche après-midi. Nous embarquons tous les trois dans la petite barque qui a l’air de tenir le coup, et je l’aide à ma façon en évitant que Meeko ne se balade d’un bord à l’autre et ne fasse tanguer l’embarcation. C’est au milieu du lac que Tegan se met à me raconter un souvenir de ‘jeunesse’. Je ris un peu, amusée à la manière dont elle me fait part de son pseudo coming out ou en tout cas, la première fois qu’elle a embrassé une autre jeune femme. « Moi qui croyait que tu avais embrassé toutes tes copines de classe depuis la maternelle… Je suis presque déçue d’apprendre qu’il a fallu que tu attendes d’en emmener une au milieu d’un lac pour le faire. » Je suis particulièrement taquine aujourd’hui, mais je sais que c’est aussi sa façon de communiquer, elle ne m’en tiendra pas rigueur. J’aime en apprendre un peu plus sur elle, avoir cette impression de la connaître mieux qu’il y a quelques minutes. Mon sourire est radieux, et déjà nous arrivons sur l’autre rive du lac. Je remercie la jeune femme de nous avoir emmenées jusque là, et quitte l’embarcation, accompagnée de notre fidèle chien aux pattes palmées, qui jappe déjà en voulant mordre la surface de l’eau.
Je commence déjà à me mettre à l’aise, le soleil tape assez fort, mais pas suffisamment pour nous crâner la peau, juste assez pour me réchauffer et me donner envie d’haler un peu plus mon teint. C’est ce moment que Tegan choisit pour me raconter des conneries à propos d’une expérience de tournage de film inquiétant, et ça me fait rire. Je ne doute pas qu’elle en aurait été capable, mais je ne suis pas effrayée - tant qu’il fait jour. « J’déconne ! T’inquiète, il va rien se passer, c’est complètement safe. Enfin… Rien que tu voudrais pas qu’il se passe. » Je la regarde avec un peu plus d’intensité lorsqu’elle s’arrête de parler, et j’ai bien conscience de la tension entre nous, qui est d’autant plus palpable depuis que le soleil s’est levé ce matin. Pourquoi aujourd’hui ? Je n’en ai aucune idée, mais je n’ai pas envie de me poser trop de questions non plus. « Tu veux de l’aide pour la crème solaire ? » Assise sur mes talons, le tube de crème entre les mains, je regard ce dernier, puis les yeux de Tegan, simultanément. Je n’ai pas nécessairement besoin d’aide, mais l’idée qu’elle puisse poser à nouveau ses mains sur ma peau me fait déjà frissonner. Est-ce que ce n’est pas trop ‘dangereux’ ? Je n’ai rien à craindre, elle l’a dit elle-même, je peux revenir sur ma décision à tout moment, et je n’ai aucun doute à ce propos, malgré la frustration que ça créerait en elle. « Je t’en prie. » lui dis-je dans un petit sourire en lui tendant le tube de crème. Sans tarder je m’allonge sur ma serviette, mon dos à la merci de Tegan. D’un geste rapide, je tire sur le noeud de mon bikini pour lui laisse le champs totalement libre. Je joue avec le feu, et j’adore ça.