Connie était trop gentille. C'était ce qu'elle se disait à chaque fois qu'elle consentait à organiser ce genre de soirées chez elle. Mais c'était bon pour son image, disaient son manager et son promoteur. Ça lui permettait de garder le contact avec des gens importants, aux poches souvent bien remplies, qui payaient cher pour avoir l'occasion d'approcher une célébrité. Enfin elle... son promoteur surtout. Ce type ne pensait qu'à deux choses. Se faire du fric et trouver de nouveaux moyens de se faire encore plus de fric. Ah, et probablement se taper son assistante aussi. L'irlandaise n'avait pas de preuves, mais ça ne l'aurait pas surprise. Alors voilà pourquoi elle se retrouvait chez elle, à être exhibé à tout un tas de gens qu'elle ne connaissait pas ou à peine comme si elle était un steak particulièrement juteux à se mettre sous la dent. Par chance il y avait quand même quelques têtes qu'elle était plutôt contente de voir et deux ou trois confrères et consœurs de la profession avec qui elle s'entendait bien.

Ça devait bien faire une heure que la fête avait commencée et Connie commençait à en avoir plus qu'assez de sourire en permanence et de rire à des commentaires ou des histoires qui lui donnaient parfois l'envie de mettre un direct du gauche dans le pif de la personne qui la racontait. À force la jeune femme commençait à en avoir mal aux zygomatiques. Elle avait l'habitude d'avoir mal au niveau du visage pourtant. Avec tous les coups qu'elle avait pu prendre dans sa carrière, il ne devait pas y avoir un endroit de son joli minois qui n'était pas entrée en contact au moins une fois avec un gant de boxe. Mais elle était habitué à ce genre de douleurs. Alors qu'avoir mal simplement parce qu'on souriait trop... nan, nan ça elle n'était pas prête de s'y habituer. Et elle n'en avait pas envie. Et puis quelle idée à la con elle avait eu de mettre des escarpins à talons. Ok ils allaient bien avec son tailleur de grand couturier, mais putain qu'est-ce qu'ils pouvaient faire mal aux pieds ! Si ça continuaient, ils allaient finir par voler à travers la pièce et tant pis pour celui qui se les prendrait en pleine tronche. Si seulement elle avait été capable de supporter l'alcool, ça aurait sûrement été plus facile à supporter avec quelques flûtes de champagne dans l'estomac.

Enfin libérée du type qui lui tenait la jambe depuis dix minutes à lui raconter sa dernière partie de golf avec des types aussi libidineux et chiants à mourir que lui – Connie allait devoir faire passer des instructions pour qu'on ne l'invite plus celui-là – la jeune femme passa entre les groupes de personnes occupées à discuter de choses et d'autres, son regard passant d'un visage à l'autre, à la recherche de quelqu'un en particulier. Mais ou était donc Felix ? C'était elle qui faisait en sorte que ce genre de sauteries soient plus supportables. Ça ne lui ressemblait pas d'être en retard. Et elle ne pouvait pas avoir oublié, parce qu'elle se faisait toujours une joie de venir. En même temps, Felix n'était pas le genre de femme à dire non à une bonne occasion de s'amuser. Surtout en compagnie de Connie. La Valmont était une véritable bouffée d'air frais pour l'irlandaise, même si certains auraient pu être du genre à dire qu'elle était une « mauvaise influence ». Conneries. Alors oui, les tabloïds s'étaient fait une joie de publier quelques photos de leurs virées entre filles au fil des ans, mais rien qui puisse faire du tort à son image auprès du public. Et ils ignoraient beaucoup de choses sur ce que Felix et Connie pouvaient faire du temps qu'elles passaient ensemble loin des paparazzis...

S'accoudant au bar, Connie fit un signe en direction du barman, qui s'approcha bien vite pour prendre sa commande « Un whisky coca. Sans whisky. Et mollo sur les glaçons hein. » Elle le connaissait bien le coup de mettre une tonne de glace dans le verre histoire de tromper le client sur la dose d'alcool qu'il avait dans son verre. Elle avait bossé un peu dans un bar quand elle était partie vivre à Los Angeles, avant la notoriété apportée par les JO. Sa commande enfin prête, Connie glissa le premier billet qu'elle trouva dans sa poche – un billet de cent, le type allait être content – dans le pot à pourboire, avant de s'éloigner avec son verre en main. Alors qu'elle continuait à scruter les visages à la recherche de Felix, le regard de Connie s'arrêta sur quelqu'un qui n'était clairement pas Felix, mais qu'elle connaissait malgré tout. Et qu'elle ne s'attendait pas à voir ici. À savoir le jumeau de la Valmont, Cameron. Ça devait bien être la première fois qu'elle le voyait à ce genre de soirées. Sa sœur avait sûrement du le convaincre de venir ici grâce à un stratagème quelconque de sa part. Connie et lui ne s'aimaient pas plus que ça, mais il avait l'air de s'ennuyer ferme. Avançant dans sa direction, Connie attrapa à la volée une flûte de champagne sur le plateau d'un serveur, avant de la lui coller sous le visage pour attirer son attention « Je vois que y a pas que pour moi que cette soirée est un calvaire. » Même si chacun avait ses raisons de ne pas être de bonne humeur « Ta sœur est là ? Je l'ai pas vue. » Ça n'était pas impossible que frère et sœur soient arrivés ensemble, après tout. C'était même tout à fait probable.